La Journée nationale de l’enfant haïtien : une date qui devrait être repensée

Chaque deuxième dimanche de juin, Haïti célèbre la Journée nationale de l’enfant, une commémoration instaurée par une loi votée le 9 mai 1960 et publiée le 23 juin de la même année. Cette journée, destinée à mettre en lumière les droits et le bien-être des enfants, se veut un moment de réflexion et d’action pour garantir un avenir meilleur à la jeunesse haïtienne. Pourtant, dans un pays marqué par des crises multiples – violence armée, pauvreté extrême, malnutrition et effondrement des services de base –, cette célébration semble de plus en plus déconnectée de la réalité. Il est temps de repenser cette date pour qu’elle devienne un véritable catalyseur de changement.



Une journée symbolique, mais insuffisante
La Journée nationale de l’enfant a été conçue pour rappeler que chaque enfant a droit à une identité, une nationalité, une alimentation adéquate, une éducation et une protection contre la violence et l’exploitation. Malgré tout, les enfants continuent d’être victimes de maltraitance, d’enrôlement dans les gangs, d’abus sexuels et de traite.

Le contraste entre les célébrations festives et la réalité quotidienne des enfants soulève une question fondamentale : une journée symbolique suffit-elle à répondre aux défis structurels auxquels ils sont confrontés ? Les activités ponctuelles, bien que nécessaires pour sensibiliser, ne permettent pas de s’attaquer aux causes profondes des violations des droits des enfants. La Journée mondiale de l’enfance, célébrée le 20 novembre, passe souvent inaperçue en Haïti, et la Journée nationale de l’enfant risque de devenir un rituel vidé de sens si elle ne s’accompagne pas d’actions concrètes.

Repenser la Journée nationale de l’enfant
Pour que cette journée retrouve sa pertinence, elle doit dépasser le cadre des festivités et devenir un moment de mobilisation nationale. Voici quelques pistes pour la repenser :

1. Un plaidoyer renforcé pour des politiques publiques : L’État haïtien, en partenariat avec des organisations comme l’UNICEF, doit accélérer l’adoption du Code de protection de l’enfant, un texte en discussion depuis 2012 qui harmoniserait la législation nationale avec les standards internationaux. Ce code pourrait renforcer la lutte contre la maltraitance, l’exploitation et la discrimination.

2. Une implication accrue des enfants : Comme l’a montré l’édition 2018, où les enfants ont choisi le thème et participé activement aux activités, leur voix doit être au cœur des initiatives. La plateforme U-Report de l’UNICEF, qui recueille les opinions des jeunes, pourrait être davantage utilisée pour orienter les politiques publiques.

3. Une réponse aux crises structurelles : La Journée nationale de l’enfant pourrait être l’occasion d’annoncer des mesures concrètes, comme la réouverture d’écoles, la reconstruction d’hôpitaux ou des campagnes de vaccination. Après le séisme de 2021 dans le Grand Sud, l’UNICEF avait organisé des activités dans les zones sinistrées pour sensibiliser à la protection des enfants. Ce modèle pourrait être étendu à d’autres crises.

4. Une mobilisation communautaire: Les clubs de mères, comme celui de Chardonnières, qui luttent contre la malnutrition, montrent l’importance de l’engagement communautaire. La Journée nationale pourrait servir à créer des réseaux locaux pour protéger les enfants vulnérables, notamment ceux en situation de handicap ou déplacés.

Un appel à l’action collective
La Journée nationale de l’enfant haïtien ne peut plus se limiter à des activités festives dans un pays où les droits des enfants sont bafoués quotidiennement. Comme l’a déclaré Samarre Tercier Marcellin, jeune défenseure des droits de l’enfant, « les enfants sont maltraités, meurent de maladies évitables et n’ont pas accès à une éducation de qualité. Il faut que cela change. »

Repenser cette journée, c’est en faire un levier pour transformer la société haïtienne. C’est un défi collectif qui implique l’État, les organisations internationales, la société civile et les citoyens. En 2025, à l’approche de la prochaine édition, Haïti a l’opportunité de redonner un sens à cette célébration en plaçant les enfants au cœur de ses priorités. Car, comme le rappellent les jeunes U-Reporters, écouter les enfants, c’est construire un avenir meilleur pour tous.


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